Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/328

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avait d’abord été couturière ; mais, comme ils eurent tout de suite un garçon, elle arriva bien juste à nourrir le petit et à soigner le ménage. Eugène poussait gaillardement. Neuf ans plus tard, une fille vint à son tour ; et celle-là, Louise, resta longtemps si chétive, qu’ils dépensèrent beaucoup en médecins et en drogues. Pourtant, le ménage n’était pas malheureux. Damour faisait bien parfois le lundi ; seulement, il se montrait raisonnable, allait se coucher, s’il avait trop bu, et retournait le lendemain au travail, en se traitant lui-même de propre à rien. Dès l’âge de douze ans, Eugène fut mis à l’étau. Le gamin savait à peine lire et écrire, qu’il gagnait déjà sa vie. Félicie, très propre, menait la maison en femme adroite et prudente, un peu « chienne » peut-être, disait le père, car elle leur servait des légumes plus souvent que de la viande, pour mettre des sous de côté, en cas de malheur. Ce fut leur meilleure époque. Ils habitaient, à Ménilmontant, rue des Envierges, un logement de trois pièces, la chambre du père et de la mère, celle d’Eugène, et une salle à manger où ils avaient installé les étaux, sans compter la cuisine et un cabinet pour Louise. C’était au fond d’une cour, dans un petit bâtiment ; mais ils avaient