Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/342

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qu’il lui faudrait peut-être attendre deux années encore ; et il avait tout risqué, dans une de ces heures de fièvre dont on se repent le lendemain. Une semaine plus tard, on trouva sur la côte, à quelques lieues, une barque brisée et les cadavres de trois des fugitifs, nus et décomposés déjà, parmi lesquels des témoins affirmèrent qu’ils reconnaissaient Damour. C’étaient la même taille et la même barbe. Après une enquête sommaire, les formalités eurent lieu, un acte de décès fut dressé, puis envoyé en France sur la demande de la veuve, que l’administration avait avertie. Toute la presse s’occupa de l’aventure, un récit très dramatique de l’évasion et de son dénouement tragique passa dans les journaux du monde entier.

Cependant, Damour vivait. On l’avait confondu avec un de ses compagnons, et cela d’une façon d’autant plus surprenante que les deux hommes ne se ressemblaient pas. Tous deux, simplement, portaient leur barbe longue. Damour et le quatrième évadé, qui avait survécu comme par miracle, se séparèrent, dès qu’ils furent arrivés sur une terre anglaise ; ils ne se revirent jamais, sans doute l’autre mourut de la fièvre jaune, qui faillit emporter Damour lui-