Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/354

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lait entre ses doigts. Il les essuyait à sa blouse, et répétait d’une voix sourde :

— Qu’est-ce que tu dis ? remariée, remariée… Tu es sûr ?

— Parbleu ! tu étais mort, elle s’est remariée ; ça n’a rien d’étonnant… Seulement, c’est drôle, parce que voilà que tu ressuscites.

Et, pendant que le pauvre homme restait pâle, les lèvres balbutiantes, le peintre lui donna des détails. Félicie, maintenant, était très heureuse. Elle avait épousé un boucher de la rue des Moines, aux Batignolles, un veuf dont elle conduisait joliment les affaires. Sagnard, le boucher s’appelait Sagnard, était un gros homme de soixante ans, mais parfaitement conservé. À l’angle de la rue Nollet, la boutique, une des mieux achalandées du quartier, avait des grilles peintes en rouge, avec des têtes de bœuf dorées, aux deux coins de l’enseigne.

— Alors, qu’est-ce que tu vas faire ? répétait Berru, après chaque détail.

Le malheureux, que la description de la boutique étourdissait, répondait d’un geste vague de la main. Il fallait voir.

— Et Louise ? demanda-t-il tout d’un coup.

— La petite ? ah ! je ne sais pas… Ils l’auront