Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/381

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et gaie avec ses meubles de chêne blanc ; puis, les yeux arrêtés sur Félicie qui le suppliait de son visage baigné de larmes, il dit :

— Oui, tout de même.

Alors, Sagnard fut enchanté. Il criait :

— Vite, Félicie, des verres ! Nous n’avons pas besoin de la bonne… Quatre verres. Il faut que tu trinques, toi aussi… Ah ! mon camarade, vous êtes bien gentil d’accepter, vous ne savez pas le plaisir que vous me faites, car moi j’aime les bons cœurs ; et vous êtes un bon cœur, vous, j’en réponds !

Cependant, Félicie, les mains nerveuses, cherchait des verres et un litre dans le buffet. Elle avait la tête perdue, elle ne trouvait plus rien. Il fallut que Sagnard l’aidât. Puis, quand les verres furent pleins, la société autour de la table trinqua.

— À la vôtre !

Damour, en face de Félicie, dut allonger le bras pour toucher son verre. Tous deux se regardaient, muets, le passé dans les yeux. Elle tremblait tellement, qu’on entendit le cristal tinter, avec le petit claquement de dents des grosses fièvres. Ils ne se tutoyaient plus, ils étaient comme morts, ne vivant désormais que dans le souvenir.