Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/386

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ami ?… Je savais bien, moi, que tu aurais besoin de ta fille. Alors, je me suis procuré son adresse et je suis venu lui conter ton histoire. Tout de suite, elle m’a dit : Amenez-le !

— Mais sans doute, ce pauvre père ! murmura Louise d’une voix câline. Oh ! tu sais, je l’ai en horreur, ta république ! Tous des sales gens, les communards, et qui ruineraient le monde, si on les laissait faire !… Mais toi, tu es mon cher papa. Je me souviens comme tu étais bon, quand j’étais malade, toute petite. Tu verras, nous nous entendrons très bien, pourvu que nous ne parlions jamais politique… D’abord, nous allons dîner tous les trois. Ah ! que c’est gentil !

Elle s’était assise presque sur les genoux de l’ouvrier, riant de ses yeux clairs, ses fins cheveux pâles envolés autour des oreilles. Lui, sans force, se sentait envahi par un bien-être délicieux. Il aurait voulu refuser, parce que cela ne lui paraissait pas honnête, de s’attabler dans cette maison. Mais il ne retrouvait plus son énergie de tout à l’heure, lorsqu’il était parti de chez la bouchère, sans même retourner la tête, après avoir trinqué une dernière fois. Sa fille était trop douce, et ses petites mains blanches, posées sur les siennes, l’attachaient.