Page:Zola - Nana.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
NANA

Avec ça, il fait froid, ce soir. C’est humide, par ici.

On passait sous des arbres. Nana flairait l’odeur des feuilles comme un jeune chien. Brusquement, à un détour de la route, elle aperçut le coin d’une habitation, dans les branches. C’était peut-être là ; et elle entama une conversation avec le cocher, qui disait toujours non, d’un branlement de tête. Puis, comme on descendait l’autre pente du coteau, il se contenta d’allonger son fouet, en murmurant :

— Tenez, là-bas.

Elle se leva, passa le corps entier par la portière.

— Où donc ? où donc ? criait-elle, pâle, ne voyant rien encore.

Enfin, elle distingua un bout de mur. Alors, ce furent de petits cris, de petits sauts, tout un emportement de femme débordée par une émotion vive.

— Zoé, je vois, je vois !… Mets-toi de l’autre côté… Oh ! il y a, sur le toit, une terrasse avec des briques. C’est une serre, là-bas ! Mais c’est très vaste… Oh ! que je suis contente ! Regarde donc, Zoé, regarde donc !

La voiture s’était arrêtée devant la grille. Une petite porte s’ouvrit, et le jardinier, un grand sec, parut, sa casquette à la main. Nana voulut retrouver sa dignité, car le cocher déjà semblait rire en dedans, avec ses lèvres cousues. Elle se retint pour ne pas courir, écouta le jardinier, très bavard celui-là, qui priait madame d’excuser le désordre, attendu qu’il avait seulement reçu la lettre de madame le matin ; mais, malgré ses efforts, elle était enlevée de terre, elle marchait si vite que Zoé ne pouvait la suivre. Au bout de l’allée, elle s’arrêta un instant, pour embrasser la maison d’un coup d’œil. C’était un grand pavillon de style italien, flanqué d’une autre construction plus petite, qu’un riche Anglais avait