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LES ROUGON-MACQUART

plus remué par les rires de la comtesse Sabine. Comme il lui passait une assiette de fruits, leurs mains se touchèrent ; et elle le regarda une seconde d’un regard si noir, qu’il pensa de nouveau à cette confidence reçue un soir d’ivresse. Puis, elle n’était plus la même, quelque chose s’accusait davantage en elle, sa robe de foulard gris, molle à ses épaules, mettait un abandon dans son élégance fine et nerveuse.

Au sortir de table, Daguenet resta en arrière avec Fauchery, pour plaisanter crûment sur Estelle, « un joli balai à coller dans les bras d’un homme. » Pourtant, il devint sérieux, lorsque le journaliste lui eut dit le chiffre de la dot : quatre cent mille francs.

— Et la mère ? demanda Fauchery. Hein ! très chic !

— Oh ! celle-là, tant qu’elle voudrait !… Mais pas moyen, mon bon !

— Bah ! est-ce qu’on sait !… Il faudrait voir.

On ne devait pas sortir ce jour-là. La pluie tombait encore par averses. Georges s’était hâté de disparaître, enfermé à double tour dans sa chambre. Ces messieurs évitèrent de s’expliquer entre eux, tout en n’étant pas dupes des raisons qui les réunissaient. Vandeuvres, très maltraité par le jeu, avait eu réellement l’idée de se mettre au vert ; et il comptait sur le voisinage d’une amie pour l’empêcher de trop s’ennuyer. Fauchery, profitant des vacances que lui donnait Rose, alors très occupée, se proposait de traiter d’une seconde chronique avec Nana, dans le cas où la campagne les attendrirait tous les deux. Daguenet, qui la boudait depuis Steiner, songeait à renouer, à ramasser quelques douceurs, si l’occasion se présentait. Quant au marquis de Chouard, il guettait son heure. Mais, parmi ces hommes suivant à la trace Vénus, mal débarbouillée de son rouge,