Page:Zola - Nana.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
221
NANA

raide, elle cria que, nom de Dieu ! elle n’autorisait personne, pas même sa tante, à dire des saletés en sa présence. Puis, elle rasa tout le monde par ses bons sentiments, un accès d’honnêteté bête, avec des idées d’éducation religieuse pour Louiset et tout un plan de bonne conduite pour elle. Comme on riait, elle eut des mots profonds, des hochements de bourgeoise convaincue, disant que l’ordre seul menait à la fortune, et qu’elle ne voulait pas mourir sur la paille. Ces dames, agacées, se récriaient : pas possible, on avait changé Nana ! Mais elle, immobile, retombait dans sa rêverie, les yeux perdus, voyant se lever la vision d’une Nana très riche et très saluée.

On montait se coucher, quand Muffat se présenta. Ce fut Labordette qui l’aperçut dans le jardin. Il comprit, il lui rendit le service d’écarter Steiner et de le conduire par la main, le long du corridor obscur, jusqu’à la chambre de Nana. Labordette, pour ces sortes d’affaires, était d’une distinction parfaite, très adroit, et comme ravi de faire le bonheur des autres. Nana ne se montra pas surprise, ennuyée seulement de la rage de Muffat après elle. Il fallait être sérieuse dans la vie, n’est-ce pas ? C’était trop bête d’aimer, ça ne menait à rien. Puis, elle avait des scrupules, à cause du jeune âge de Zizi ; vrai, elle s’était conduite d’une façon pas honnête. Ma foi ! elle rentrait dans le bon chemin, elle prenait un vieux.

— Zoé, dit-elle à la femme de chambre enchantée de quitter la campagne, fais les malles demain en te levant, nous retournons à Paris.

Et elle coucha avec Muffat, mais sans plaisir.