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LES ROUGON-MACQUART

s’en payait d’aussi raides avec des garçons plus malins que son cornichon de mari… Et ça tourne toujours comme ça, faute de s’entendre. Je le sais bien, moi !

Muffat, pâlissant, comprenant enfin les allusions, voulut la faire taire. Mais elle était lancée.

— Non, fiche-moi la paix !… Si vous n’étiez pas des mufes, vous seriez aussi gentils chez vos femmes que chez nous ; et si vos femmes n’étaient pas des dindes, elles se donneraient pour vous garder la peine que nous prenons pour vous avoir… Tout ça, c’est des manières… Voilà, mon petit, mets ça dans ta poche.

— Ne parlez donc pas des honnêtes femmes, dit-il durement. Vous ne les connaissez pas.

Du coup, Nana se releva sur les genoux.

— Je ne les connais pas !… Mais elles ne sont seulement pas propres, tes femmes honnêtes ! Non, elles ne sont pas propres ! Je te défie d’en trouver une qui ose se montrer comme je suis là… Vrai, tu me fais rire, avec tes femmes honnêtes ! Ne me pousse pas à bout, ne me force pas à te dire des choses que je regretterais ensuite.

Le comte, pour toute réponse, mâcha sourdement une injure. À son tour, Nana devint blanche. Elle le regarda quelques secondes sans parler. Puis, de sa voix nette :

— Que ferais-tu, si ta femme te trompait ?

Il eut un geste menaçant.

— Eh bien ! et moi, si je te trompais ?

— Oh ! toi, murmura-t-il avec un haussement d’épaules.

Certes, Nana n’était pas méchante. Depuis les premiers mots, elle résistait à l’envie de lui envoyer son