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LES ROUGON-MACQUART

fidèles ; et, au-dessus des assiettes pleines, elle régnait sur sa clientèle bouffie de grosses femmes, monstrueuse auprès des plus fortes, trônant dans cette fortune de maîtresse d’hôtel qui récompensait quarante années d’exercice.

Mais madame Robert avait aperçu Satin. Elle lâcha Laure, accourut, se montra charmante, disant combien elle regrettait de ne s’être pas trouvée chez elle, la veille ; et comme Satin, séduite, voulait absolument lui faire un petite place, elle jurait qu’elle avait dîné. Elle était montée simplement pour voir. Tout en parlant, debout derrière sa nouvelle amie, elle s’appuyait à ses épaules, souriante et câline, répétant :

— Voyons, quand vous verrai-je ? Si vous étiez libre…

Nana, malheureusement, ne put en entendre davantage. Cette conversation la vexait, elle brûlait de dire ses quatre vérités à cette femme honnête. Mais la vue d’une bande qui arrivait la paralysa. C’étaient des femmes chic, en grande toilette, avec leurs diamants. Elles venaient en partie chez Laure, qu’elles tutoyaient toutes, reprises d’un goût pervers, promenant des cent mille francs de pierreries sur leur peau, pour dîner là, à trois francs par tête, dans l’étonnement jaloux des pauvres filles crottées. Lorsqu’elles étaient entrées, la voix haute, le rire clair, apportant du dehors comme un coup de soleil, Nana avait vivement tourné la tête, très ennuyée de reconnaître parmi elles Lucy Stewart et Maria Blond. Pendant près de cinq minutes, tout le temps que ces dames causèrent avec Laure, avant de passer dans le salon voisin, elle tint le nez baissé, ayant l’air très occupée à rouler des miettes de pain sur la nappe. Puis, quand elle put enfin se retourner, elle demeura stu-