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NANA

jusqu’à deux heures, des restaurants, des brasseries, des charcutiers flambaient, tout un grondement de femmes s’entêtait sur la porte des cafés ; dernier coin allumé et vivant du Paris nocturne, dernier marché ouvert aux accords d’une nuit, où les affaires se traitaient parmi les groupes, crûment, d’un bout de la rue à l’autre, comme dans le corridor largement ouvert d’une maison publique. Et, les soirs où elles revenaient à vide, elles se disputaient entre elles. La rue Notre-Dame de Lorette s’étendait noire et déserte, des ombres de femmes se traînaient ; c’était la rentrée attardée du quartier, les pauvres filles exaspérées d’une nuit de chômage, s’obstinant, discutant encore d’une voix enrouée avec quelque ivrogne perdu, qu’elles retenaient à l’angle de la rue Bréda ou de la rue Fontaine.

Cependant, il y avait de bonnes aubaines, des louis attrapés avec des messieurs bien, qui montaient en mettant leur décoration dans la poche. Satin surtout avait le nez. Les soirs humides, lorsque Paris mouillé exhalait une odeur fade de grande alcôve mal tenue, elle savait que ce temps mou, cette fétidité des coins louches enrageaient les hommes. Et elle guettait les mieux mis, elle voyait ça à leurs yeux pâles. C’était comme un coup de folie charnelle passant sur la ville. Elle avait bien un peu peur, car les plus comme il faut étaient les plus sales. Tout le vernis craquait, la bête se montrait, exigeante dans ses goûts monstrueux, raffinant sa perversion. Aussi cette roulure de Satin manquait-elle de respect, s’éclatant devant la dignité des gens en voiture, disant que leurs cochers étaient plus gentils, parce qu’ils respectaient les femmes et qu’ils ne les tuaient pas avec des idées de l’autre monde. La culbute des gens chics dans la crapule du vice surprenait encore