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NANA

quille ; à deux reprises, il avait empêché qu’on ne la mît en carte ; et, à présent, elle tremblait, car son affaire était claire, si on la pinçait encore. Il fallait l’entendre. Les agents, pour avoir des gratifications, arrêtaient le plus de femmes possible ; ils empoignaient tout, ils vous faisaient taire d’une gifle si l’on criait, certains d’être soutenus et récompensés, même quand ils avaient pris dans le tas une honnête fille. L’été, à douze ou quinze, ils opéraient des rafles sur le boulevard, ils cernaient un trottoir, pêchaient jusqu’à des trente femmes en une soirée. Seulement Satin connaissait les endroits ; dès qu’elle apercevait le nez des agents, elle s’envolait, au milieu de la débandade effarée des longues queues fuyant à travers la foule. C’était une épouvante de la loi, une terreur de la préfecture, si grande, que certaines restaient paralysées sur la porte des cafés, dans le coup de force qui balayait l’avenue. Mais Satin redoutait davantage les dénonciations ; son pâtissier s’était montré assez mufe pour la menacer de la vendre, lorsqu’elle l’avait quitté ; oui, des hommes vivaient sur leurs maîtresses avec ce truc-là, sans compter de sales femmes qui vous livraient très bien par traîtrise, si l’on était plus jolie qu’elle. Nana écoutait ces choses, prise de frayeurs croissantes. Elle avait toujours tremblé devant la loi, cette puissance inconnue, cette vengeance des hommes qui pouvaient la supprimer, sans que personne au monde la défendît. Saint-Lazare lui apparaissait comme une fosse, un trou noir où l’on enterrait les femmes vivantes, après leur avoir coupé les cheveux. Elle se disait bien qu’il lui aurait suffi de lâcher Fontan pour trouver des protections ; Satin avait beau lui parler de certaines listes de femmes, accompagnées de photographies, que les agents de-