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NANA

saient en attendant leurs répliques. Peu à peu, ils avaient élevé la voix.

— Ah çà ! voulez-vous vous taire ! hurla Bordenave, qui sauta rageusement dans son fauteuil. Je n’entends pas un mot… Allez dehors, si vous avez à causer ; nous autres, nous travaillons… Barillot, si l’on parle encore, je flanque tout le monde à l’amende !

Ils se turent un instant. Ils formaient un petit groupe, assis sur un banc et des chaises rustiques, dans un coin de jardin, le premier décor du soir qui était là, prêt à être planté. Fontan et Prullière écoutaient Rose Mignon, à laquelle le directeur des Folies-Dramatiques venait de faire des offres superbes. Mais une voix cria :

— La duchesse !… Saint-Firmin !… Allons, la duchesse et Saint-Firmin !

Au second appel seulement, Prullière se rappela qu’il était Saint-Firmin. Rose, qui jouait la duchesse Hélène, l’attendait déjà pour leur entrée. Lentement, traînant les pieds sur les planches vides et sonores, le vieux Bosc retournait s’asseoir. Alors, Clarisse lui offrit la moitié du banc.

— Qu’a-t-il donc à gueuler comme ça ? dit-elle en parlant de Bordenave. Ça va être gentil tout à l’heure… On ne peut plus monter une pièce, sans qu’il ait ses nerfs, maintenant.

Bosc haussa les épaules. Il était au-dessus de tous les orages. Fontan murmurait :

— Il flaire un four. Ça m’a l’air idiot, cette pièce.

Puis, s’adressant à Clarisse, revenant à l’histoire de Rose :

— Hein ? tu crois aux offres des Folies, toi ?… Trois cents francs par soir, et pendant cent représentations. Pourquoi pas une maison de campagne