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Page:Zola - Nana.djvu/333

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NANA

— Mon Dieu ! c’est possible, murmura l’auteur par complaisance. Elle serait peut-être très bien… Seulement, le rôle est donné. Nous ne pouvons le reprendre à Rose.

— Oh ! s’il n’y a que ça, dit Bordenave, je me charge d’arranger l’affaire.

Mais alors, les voyant tous les deux contre lui, comprenant que Bordenave avait un intérêt caché, le jeune homme, pour ne pas faiblir, se révolta avec un redoublement de violence, de façon à rompre l’entretien.

— Eh ! non, eh ! non ! Quand même le rôle serait libre, jamais je ne le lui donnerais… Là, est-ce clair ? Laissez-moi tranquille… Je n’ai pas envie de tuer ma pièce.

Il se fit un silence embarrassé. Bordenave, jugeant qu’il était de trop, s’éloigna. Le comte restait la tête basse. Il la releva avec effort, il dit d’une voix qui s’altérait :

— Mon cher, si je vous demandais cela comme un service ?

— Je ne puis pas, je ne puis pas, répétait Fauchery en se débattant.

La voix de Muffat devint plus dure.

— Je vous en prie… Je le veux !

Et il le regardait fixement. Devant ce regard noir, où il lut une menace, le jeune homme céda tout d’un coup, balbutiant des paroles confuses :

— Faites, après tout, je m’en moque… Ah ! vous abusez. Vous verrez, vous verrez…

L’embarras fut alors plus grand. Fauchery s’était adossé à un casier, tapant nerveusement du pied. Muffat paraissait examiner avec attention le coquetier, qu’il tournait toujours.

— C’est un coquetier, vint dire Bordenave obligeamment.