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Page:Zola - Nana.djvu/366

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LES ROUGON-MACQUART

tement de sa toute-puissance. Et elle ne désarma pas encore : on aurait beau lui apporter des fortunes, lui bâtir des palais, elle regretterait toujours l’époque où elle croquait des pommes. Une blague, cet idiot d’argent ! c’était fait pour les fournisseurs. Puis, son accès se termina dans un désir sentimental d’une vie simple, le cœur sur la main, au milieu d’une bonté universelle.

Mais, à ce moment, elle aperçut Julien, les bras ballants, qui attendait.

— Eh bien ! quoi ? servez le champagne, dit-elle. Qu’avez-vous à me regarder comme une oie ?

Pendant la scène, les domestiques n’avaient pas eu un sourire. Ils semblaient ne pas entendre, plus majestueux à mesure que madame se lâchait davantage. Julien, sans broncher, se mit à verser le champagne. Par malheur, François, qui présentait les fruits, pencha trop le compotier, et les pommes, les poires, le raisin roulèrent sur la table.

— Fichu maladroit ! cria Nana.

Le valet eut le tort de vouloir expliquer que les fruits n’étaient pas montés solidement. Zoé les avait ébranlés, en prenant des oranges.

— Alors, dit Nana, c’est Zoé qui est une dinde.

— Mais, madame… murmura la femme de chambre blessée.

Du coup, madame se leva, et la voix brève, avec un geste de royale autorité :

— Assez, n’est-ce pas ?… Sortez tous !… Nous n’avons plus besoin de vous.

Cette exécution la calma. Elle se montra tout de suite très douce, très aimable. Le dessert fut charmant, ces messieurs s’égayaient à se servir eux-mêmes. Mais Satin, qui avait pelé une poire, était venue la manger derrière sa chérie, appuyée à ses