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NANA

était de laisser son frère derrière lui. Vandeuvres resta quelques minutes encore ; il tâtait le terrain, il attendait de savoir si, par hasard, une affaire n’obligerait pas Muffat à lui céder la place ; puis, quand il le vit s’installer carrément pour la nuit, il n’insista pas, il prit congé en homme de tact. Mais, comme il se dirigeait vers la porte, il aperçut Satin, avec son regard fixe ; et, comprenant sans doute, amusé, il vint lui serrer la main.

— Hein ? nous ne sommes pas fâchés ? murmura-t-il. Pardonne-moi… Tu es la plus chic, parole d’honneur !

Satin dédaigna de répondre. Elle ne quittait pas des yeux Nana et le comte restés seuls. Ne se gênant plus, Muffat était venu se mettre près de la jeune femme, et lui avait pris les doigts, qu’il baisait. Alors, elle, cherchant une transition, demanda si sa fille Estelle allait mieux. La veille, il s’était plaint de la tristesse de cette enfant ; il ne pouvait vivre une journée heureuse chez lui, avec sa femme toujours dehors et sa fille enfermée dans un silence glacé. Nana, pour ces affaires de famille, se montrait toujours pleine de bons avis. Et, comme Muffat s’abandonnant, la chair et l’esprit détendus, recommençait ses doléances :

— Si tu la mariais ? dit-elle en se souvenant de la promesse qu’elle avait faite.

Tout de suite, elle osa parler de Daguenet. Le comte, à ce nom, eut une révolte. Jamais après ce qu’elle lui avait appris !

Elle fit l’étonnée, puis éclata de rire ; et le prenant par le cou :

— Oh ! le jaloux, si c’est possible !… Raisonne un peu. On t’avait dit du mal de moi, j’étais furieuse… Aujourd’hui, je serais désolée…