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LES ROUGON-MACQUART

soin de penser tout haut. Enfin, elle eut l’air d’entrer dans les vues de Mignon, pour se débarrasser de lui ; et, comme il lui conseillait une soumission auprès de Rose, par exemple une petite visite sur le champ de courses, devant tous, elle répondit qu’elle verrait, qu’elle réfléchirait.

Un tumulte la fit se relever. Sur la piste, des chevaux arrivaient, dans un coup de vent. C’était le prix de la Ville de Paris, que gagnait Cornemuse. Maintenant, le Grand Prix allait être couru, la fièvre augmentait, une anxiété fouettait la foule, piétinant, ondulant, dans un besoin de hâter les minutes. Et, à cette heure dernière, une surprise effarait les parieurs, la hausse continue de la cote de Nana, l’outsider de l’écurie Vandeuvres. Des messieurs revenaient à chaque instant avec une cote nouvelle : Nana était à trente, Nana était à vingt-cinq, puis à vingt, puis à quinze. Personne ne comprenait. Une pouliche battue sur tous les Hippodromes, une pouliche dont le matin pas un parieur ne voulait à cinquante ! Que signifiait ce brusque affolement ? Les uns se moquaient, en parlant d’un joli nettoyage pour les nigauds qui donnaient dans cette farce. D’autres, sérieux, inquiets, flairaient là-dessous quelque chose de louche. Il y avait un coup peut-être. On faisait allusion à des histoires, aux vols tolérés des champs de courses ; mais cette fois le grand nom de Vandeuvres arrêtait les accusations, et les sceptiques l’emportaient, en somme, lorsqu’ils prédisaient que Nana arriverait belle dernière.

— Qui est-ce qui monte Nana ? demanda la Faloise.

Justement, la vraie Nana reparaissait. Alors, ces messieurs donnèrent à la question un sens malpropre, en éclatant d’un rire exagéré. Nana saluait.

— C’est Price, répondit-elle.