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LES ROUGON-MACQUART

des grilles. Sous un champignon rustique, couvert de chaume, des gens en tas gesticulaient et criaient ; c’était le ring. À côté, se trouvaient des boxes vides ; et, désappointée, elle y découvrit seulement le cheval d’un gendarme. Puis, il y avait le padock, une piste de cent mètres de tour, où un garçon d’écurie promenait Valerio II, encapuchonné. Et voilà ! beaucoup d’hommes sur le gravier des allées, avec la tache orange de leur carte à la boutonnière, une promenade continue de gens dans les galeries ouvertes des tribunes, ce qui l’intéressa une minute ; mais, vrai ! ça ne valait pas la peine de se faire de la bile, parce qu’on vous empêchait d’entrer là-dedans.

Daguenet et Fauchery, qui passaient, la saluèrent. Elle leur fit un signe, ils durent s’approcher. Et elle bécha l’enceinte du pesage. Puis, s’interrompant :

— Tiens ! le marquis de Chouard, comme il vieillit ! S’abîme-t-il, ce vieux-là ! Il est donc toujours enragé ?

Alors, Daguenet raconta le dernier coup du vieux, une histoire de l’avant-veille que personne ne savait encore. Après avoir tourné des mois, il venait d’acheter à Gaga sa fille Amélie, trente mille francs, disait-on.

— Eh bien ! c’est du propre ! cria Nana, révoltée. Ayez donc des filles !… Mais j’y songe ! ça doit être Lili qui est là-bas, sur la pelouse, dans un coupé, avec une dame. Aussi, je reconnaissais cette figure… Le vieux l’aura sortie.

Vandeuvres n’écoutait pas, impatient, désireux de se débarrasser d’elle. Mais Fauchery ayant dit, en s’en allant, que, si elle n’avait pas vu les bookmakers, elle n’avait rien vu, le comte dut la conduire, malgré une répugnance visible. Et, du coup, elle fut contente ; ça, en effet, c’était curieux.