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LES ROUGON-MACQUART

on ne savait pourquoi, circulaient parmi les groupes. On se battait les flancs sans réussir à être drôle. Sept femmes, enfermées dans le vestiaire, pleuraient pour qu’on les délivrât. Une échalote trouvée et mise aux enchères était poussée jusqu’à deux louis. Justement, Nana arrivait, encore vêtue de sa toilette de course, bleue et blanche. On lui donna l’échalote, au milieu d’un tonnerre de bravos. On l’empoigna malgré elle, trois messieurs la portèrent en triomphe dans le jardin, à travers les pelouses saccagées, les massifs de verdure éventrés ; et, comme l’orchestre faisait obstacle, on le prit d’assaut, on cassa les chaises et les pupitres. Une police paternelle organisait le désordre.

Ce fut seulement le mardi que Nana se remit des émotions de sa victoire. Elle causait le matin avec madame Lerat, venue pour lui donner des nouvelles de Louiset, que le grand air avait rendu malade. Toute une histoire qui occupait Paris la passionnait. Vandeuvres exclu des champs de courses, exécuté le soir même au Cercle Impérial, s’était le lendemain fait flamber dans son écurie, avec ses chevaux.

— Il me l’avait bien dit, répétait la jeune femme. Un vrai fou, cet homme-là !… C’est moi qui ai eu une venette, lorsqu’on m’a raconté ça, hier soir ! Tu comprends, il aurait très bien pu m’assassiner, une nuit… Et puis, est-ce qu’il ne devait pas me prévenir pour son cheval ? J’aurais fait ma fortune, au moins… ! Il a dit à Labordette que, si je savais l’affaire, je renseignerais tout de suite mon coiffeur et un tas d’hommes. Comme c’est poli !… Ah ! non, vrai, je ne peux pas le regretter beaucoup.

Après réflexion, elle était devenue furieuse. Justement, Labordette entra ; il avait réglé ses paris, il