Page:Zola - Nana.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
NANA

qui avait fait de mauvaises affaires. D’abord, elle était entrée chez un dentiste, puis chez un courtier d’assurances ; mais ça ne lui allait pas ; et elle énumérait ensuite, avec une pointe d’orgueil, les dames où elle avait servi comme femme de chambre. Zoé parlait de ces dames en personne qui avait tenu leur fortune dans sa main. Bien sûr que plus d’une, sans elle, aurait eu de drôles d’histoires. Ainsi, un jour que madame Blanche était avec monsieur Octave, voilà le vieux qui arrive ; que fait Zoé ? elle feint de tomber en traversant le salon, le vieux se précipite, court lui chercher un verre d’eau à la cuisine, et monsieur Octave s’échappe.

— Ah ! elle est bonne, par exemple ! dit Nana, qui l’écoutait avec un intérêt tendre, une sorte d’admiration soumise.

— Moi, j’ai eu bien des malheurs… commença madame Lerat.

Et, se rapprochant de madame Maloir, elle lui fit des confidences. Toutes deux prenaient des canards. Mais madame Maloir recevait les secrets des autres, sans jamais rien lâcher sur elle. On disait qu’elle vivait d’une pension mystérieuse dans une chambre où personne ne pénétrait.

Tout à coup, Nana s’emporta.

— Ma tante, ne joue donc pas avec les couteaux… Tu sais que ça me retourne.

Sans y prendre garde, madame Lerat venait de mettre deux couteaux en croix sur la table. D’ailleurs, la jeune femme se défendait d’être superstitieuse. Ainsi, le sel renversé ne signifiait rien, le vendredi non plus ; mais les couteaux, c’était plus fort qu’elle, jamais ça n’avait menti. Certainement, il lui arriverait une chose désagréable. Elle bâilla, puis, d’un air de profond ennui :