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NANA

désespérait plus fort. Maintenant, l’image de Zizi, tombé par terre, avec un trou rouge sur sa chemise, la jetait hors d’elle.

— Il était si mignon, si doux, si caressant… Ah ! tu sais, mon chat, tant pis si ça te vexe, je l’aimais, ce bébé ! Je ne peux pas me retenir, c’est plus fort que moi… Et puis, ça ne doit rien te faire, à présent. Il n’est plus là. Tu as ce que tu voulais, tu es bien sûr de ne plus nous surprendre…

Et cette dernière idée l’étrangla d’un tel regret, qu’il finit par la consoler. Allons, elle devait se montrer forte ; elle avait raison, ce n’était pas sa faute. Mais elle s’arrêta d’elle-même, pour dire :

— Écoute, tu vas courir me chercher de ses nouvelles… Tout de suite ! Je veux !

Il prit son chapeau et alla chercher des nouvelles de Georges. Au bout de trois quarts d’heure, quand il revint, il aperçut Nana penchée anxieusement à une fenêtre ; et il lui cria du trottoir que le petit n’était pas mort, et qu’on espérait même le sauver. Alors, elle sauta tout de suite à une grande joie ; elle chantait, dansait, trouvait l’existence belle. Zoé, cependant, n’était pas contente de son lavage. Elle regardait toujours la tache, elle répétait chaque fois en passant :

— Vous savez, madame, que ce n’est pas parti.

En effet, la tache reparaissait, d’un rouge pâle, sur une rosace blanche du tapis. C’était, au seuil même de la chambre, comme un trait de sang qui barrait la porte.

— Bah ! dit Nana heureuse, ça s’en ira sous les pieds.

Dès le lendemain, le comte Muffat avait, lui aussi, oublié l’aventure. Un instant, dans le fiacre qui le menait rue Richelieu, il s’était juré de ne pas re-