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LES ROUGON-MACQUART

ciselures, un trône assez large pour que Nana pût y étendre la royauté de ses membres nus, un autel d’une richesse byzantine, digne de la toute-puissance de son sexe, et où elle l’étalait à cette heure même, découvert, dans une religieuse impudeur d’idole redoutée. Et, près d’elle, sous le reflet de neige de sa gorge, au milieu de son triomphe de déesse, se vautrait une honte, une décrépitude, une ruine comique et lamentable, le marquis de Chouard en chemise.

Le comte avait joint les mains. Traversé d’un grand frisson, il répétait :

— Mon Dieu !… mon Dieu !

C’était pour le marquis de Chouard que fleurissaient les roses d’or du bateau, des touffes de roses d’or épanouies dans des feuillages d’or ; c’était pour lui que se penchaient les Amours, la ronde culbutée sur un treillis d’argent, avec des rires de gaminerie amoureuse ; et, à ses pieds, le Faune découvrait pour lui le sommeil de la nymphe lasse de volupté, cette figure de la Nuit copiée sur le nu célèbre de Nana, jusque dans les cuisses trop fortes, qui la faisaient reconnaître de tous. Jeté là comme une loque humaine, gâtée et dissoute par soixante ans de débauche, il mettait un coin de charnier dans la gloire des chairs éclatantes de la femme. Quand il avait vu la porte s’ouvrir, il s’était soulevé, pris de l’épouvante d’un vieillard gâteux ; cette dernière nuit d’amour le frappait d’imbécillité, il retombait en enfance ; et, ne trouvant plus les mots, à moitié paralysé, bégayant, grelottant, il restait dans une attitude de fuite, la chemise retroussée sur son corps de squelette, une jambe hors des couvertures, une pauvre jambe livide, couverte de poils gris. Nana, malgré sa contrariété, ne put s’empêcher de rire.