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Page:Zola - Nana.djvu/505

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XIV


Nana, brusquement, disparut ; un nouveau plongeon, une fugue, une envolée dans des pays baroques. Avant son départ, elle s’était donné l’émotion d’une vente, balayant tout, l’hôtel, les meubles, les bijoux, jusqu’aux toilettes et au linge. On citait des chiffres, les cinq vacations produisirent plus de six cent mille francs. Une dernière fois, Paris l’avait vue dans une féerie : Mélusine, au théâtre de la Gaîté, que Bordenave, sans un sou, venait de prendre par un coup d’audace ; elle se retrouvait là avec Prullière et Fontan, son rôle était une simple figuration, mais un vrai « clou », trois poses plastiques d’une fée puissante et muette. Puis, au milieu de ce grand succès, quand Bordenave, enragé de réclames, allumait Paris par des affiches colossales, on apprit un beau matin qu’elle devait être partie la veille pour le Caire ; une simple discussion avec son directeur, un mot qui ne lui avait pas convenu, le caprice d’une femme trop riche pour se laisser embêter. D’ailleurs, c’était sa toquade : depuis longtemps elle rêvait d’aller chez les Turcs.

Des mois se passèrent. On l’oubliait. Lorsque son nom revenait, parmi ces messieurs et ces dames, les