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Page:Zola - Nana.djvu/511

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NANA

rait sans doute la déclaration de guerre, il ne sentait pas, il n’entendait pas la foule.

— Tiens ! dit Fauchery, le voilà, vous allez voir.

En effet, le comte avait quitté le banc et entrait sous la haute porte. Mais le concierge, qui finissait par le connaître, ne lui laissa pas le temps de poser sa question. Il dit d’un ton brusque :

— Monsieur, elle est morte, à l’instant même.

Nana morte ! Ce fut un coup pour tout le monde. Muffat, sans une parole, était retourné sur le banc, la face dans son mouchoir. Les autres se récriaient. Mais ils eurent la parole coupée, une nouvelle bande passait, hurlant :

— À Berlin ! à Berlin ! à Berlin !

Nana morte ! Par exemple, une si belle fille ! Mignon soupira d’un air soulagé ; enfin Rose allait descendre. Il y eut un froid. Fontan, qui rêvait un rôle tragique, avait pris une expression de douleur, les coins de la bouche tirés, les yeux renversés au bord des paupières ; pendant que Fauchery, réellement touché dans sa blague de petit journaliste, mâchait nerveusement son cigare. Pourtant les deux femmes continuaient à s’exclamer. La dernière fois que Lucy l’avait vue, c’était à la Gaîté ; Blanche également, dans Mélusine. Oh ! épatante, ma chère, lorsqu’elle paraissait au fond de la grotte de cristal ! Ces messieurs se la rappelaient très bien. Fontan jouait le prince Cocorico. Et, leurs souvenirs éveillés, ce furent des détails interminables. Hein ? dans la grotte de cristal, quel chic avec sa riche nature ! Elle ne disait pas un mot, même les auteurs lui avaient coupé une réplique, parce que ça gênait ; non, rien du tout, c’était plus grand, et elle vous retournait son public, rien qu’à se montrer. Un corps comme on n’en retrouverait plus, des épaules, des jambes et une taille !