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LES ROUGON-MACQUART

signe de tête. Il y eut, coup sur coup, deux autres sonneries, pendant que Zoé desservait enfin la table, rapportant les assiettes sur l’évier, une à une. Mais tout cela n’était pas sérieux. Elle tenait la cuisine au courant, elle répéta deux fois sa phrase dédaigneuse :

— Rien, un bouquet.

Cependant, ces dames, entre deux levées de cartes, eurent un rire, en lui entendant raconter la tête des créanciers, dans l’antichambre, lorsque les fleurs arrivaient. Madame trouverait ses bouquets sur sa toilette. Dommage que ce fût si cher et qu’on ne pût en tirer seulement dix sous. Enfin, il y avait bien de l’argent perdu.

— Moi, dit madame Maloir, je me contenterais par jour de ce que les hommes dépensent en fleurs pour les femmes, à Paris.

— Je crois bien, vous n’êtes pas difficile, murmura madame Lerat. On aurait seulement l’argent du fil… Ma chère, soixante de dames.

Il était quatre heures moins dix. Zoé s’étonnait, ne comprenant pas que madame restât si longtemps dehors. D’ordinaire, lorsque madame se trouvait forcée de sortir, l’après-midi, elle emballait ça, et rondement. Mais madame Maloir déclara qu’on ne faisait pas toujours les choses comme on voulait. Certainement, il y avait des anicroches dans la vie, disait madame Lerat. Le mieux était d’attendre ; si sa nièce s’attardait, ça devait être que ses occupations la retenaient, n’est-ce pas ? D’ailleurs, on ne peinait guère. Il faisait bon dans la cuisine. Et, comme elle n’avait plus de cœur, madame Lerat jeta du carreau.

La sonnerie recommençait. Quand Zoé reparut, elle était tout allumée.