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LES ROUGON-MACQUART

de Fougeray qui venait d’entrer aux Carmélites, par une vocation irrésistible. Madame Chantereau, un peu cousine des Fougeray, racontait que la baronne avait dû se mettre au lit, le lendemain, tellement les larmes l’étouffaient.

— Moi, j’étais très bien placée, déclara Léonide. J’ai trouvé ça curieux.

Cependant, madame Hugon plaignait la pauvre mère. Quelle douleur de perdre ainsi sa fille !

— On m’accuse d’être dévote, dit-elle avec sa tranquille franchise ; cela ne m’empêche pas de trouver bien cruelles les enfants qui s’entêtent dans un pareil suicide.

— Oui, c’est une terrible chose, murmura la comtesse, avec un petit grelottement de frileuse, en se pelotonnant davantage au fond de sa grande chaise, devant le feu.

Alors, ces dames discutèrent. Mais leurs voix demeuraient discrètes, de légers rires par moments coupaient la gravité de la conversation. Les deux lampes de la cheminée, recouvertes d’une dentelle rose, les éclairaient faiblement ; et il n’y avait, sur des meubles éloignés, que trois autres lampes, qui laissaient le vaste salon dans une ombre douce.

Steiner s’ennuyait. Il racontait à Fauchery une aventure de cette petite madame de Chezelles, qu’il appelait Léonide tout court ; une bougresse, disait-il en baissant la voix, derrière les fauteuils des dames. Fauchery la regardait, dans sa grande robe de satin bleu pâle, drôlement posée sur un coin de son fauteuil, mince et hardie comme un garçon, et il finissait par être surpris de la voir là ; on se tenait mieux chez Caroline Héquet, dont la mère avait sérieusement monté la maison. C’était tout un sujet d’article. Quel singulier monde que ce monde pari-