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bras assez souples pour embrasser le monde. Dès qu’elle atteignit l’âge d’amour, elle quitta l’ombre où elle se recueillait ; elle se mit à marcher par les chemins, à chercher les affamés qu’elle rassassiait de ses regards.

C’était une grande et forte fille, aux yeux noirs, à la bouche rouge. Elle avait une chair d’une pâleur mate, couverte d’un duvet léger qui faisait de sa peau un velours blanc. Quand elle marchait, son corps ondulait dans un rhythme tendre.

D’ailleurs, en quittant la paille où elle était née, elle avait compris qu’il entrait dans sa mission de se vêtir de soie et de dentelle. Elle tenait en don ses dents blanches, ses joues roses ; elle sut trouver des colliers de perles blancs comme ses dents, des jupes de satin roses comme ses joues.

Et quand elle fut équipée, il fit bon la rencontrer dans les sentiers, par les claires matinées de mai. Elle avait le cœur et les lèvres ouvertes à tous venants. Lorsqu’elle trouvait un mendiant sur le bord d’un fossé, elle le questionnait d’un sourire ; s’il se plaignait des brûlures, des fièvres âpres du cœur, toute sa bouche lui donnait une aumône, et la misère du mendiant était soulagée.

Aussi tous les pauvres de la paroisse la connaissaient-ils. Ils se pressaient à sa porte, attendant la