Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/117

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j’avais honte de ma besogne, à voir tout ce métal vaincu et fumant encore.

Ah ! que je l’ai vu superbe, parfois, le forgeron, pendant les chaudes après-midi ! Il était nu jusqu’à la ceinture, les muscles saillants et tendus, semblable à une de ces grandes figures de Michel-Ange, qui se redressent dans un suprême effort. Je trouvais, à le regarder, la ligne sculpturale moderne, que nos artistes cherchent péniblement dans les chairs mortes de la Grèce. Il m’apparaissait comme le héros grandi du travail, l’enfant infatigable de ce siècle, qui bat sans cesse sur l’enclume l’outil de notre analyse, qui façonne dans le feu et par le fer la société de demain. Lui, jouait avec ses marteaux. Quand il voulait rire, il prenait « la demoiselle, » et, à toute volée, il tapait. Alors il faisait le tonnerre chez lui, dans l’halètement rose du fourneau. Je croyais entendre le soupir du peuple à l’ouvrage.

C’est là, dans la forge, au milieu des charrues, que j’ai guéri à jamais mon mal de paresse et de doute.