Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/123

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un fripier la dernière poignée de laine de son matelas ; le matelas s’en est allé ainsi ; maintenant, il ne reste que la toile. Elle l’a accrochée devant la fenêtre pour empêcher l’air d’entrer, car la petite tousse beaucoup.

Sans le dire à son mari, elle a cherché de son côté. Mais le chômage a frappé plus rudement les femmes que les hommes. Sur son palier, il y a des malheureuses qu’elle entend sangloter pendant la nuit. Elle en a rencontré une tout debout au coin d’un trottoir ; une autre est morte ; une autre a disparu.

Elle, heureusement, a un bon homme, un mari qui ne boit pas. Ils seraient à l’aise, si des mortes saisons ne les avaient dépouillés de tout. Elle a épuisé les crédits : elle doit au boulanger, à l’épicier, à la fruitière, et elle n’ose plus même passer devant les boutiques. L’après-midi, elle est allée chez sa sœur pour emprunter vingt sous ; mais elle a trouvé, là aussi, une telle misère qu’elle s’est mise à pleurer, sans rien dire, et que toutes deux, sa sœur et elle, ont pleuré longtemps ensemble. Puis, en s’en allant, elle a promis d’apporter un morceau de pain, si son mari rentrait avec quelque chose.

Le mari ne rentre pas. La pluie tombe,