Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/190

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traitait en ménagerie curieuse, ils ont consenti, avec une bonhomie railleuse, à se montrer pour deux sous. Une palissade entoure le campement ; deux hommes se sont placés à deux ouvertures très-étroites, où ils recueillent les offrandes des messieurs et des dames qui veulent visiter le chenil. C’est une poussée, un écrasement. Et il a même fallu mettre là des sergents de ville. Les Bohémiens tournent parfois la tête pour ne pas s’égayer au nez des braves gens qui s’oublient jusqu’à leur jeter des pièces de monnaie blanche.

Je me les imagine, le soir, comptant la recette, quand le monde n’est plus là. Quelles gorges chaudes ! Ils ont traversé la France, dans les rebuffades des paysans et les méfiances des gardes champêtres. Ils arrivent à Paris, avec la crainte qu’on ne les jette au fond de quelque basse fosse. Et ils s’éveillent au milieu de ce rêve doré de tout un peuple de messieurs et de dames en extase devant leurs guenilles. Eux, eux qu’on chasse de ville en ville ! Il me semble les voir se dresser sur le talus des fortifications, drapés dans leurs loques, jetant un grand rire de mépris à Paris endormi.

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