Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/195

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Et la diablesse fait son métier avec une gravité étonnante. Si on lui reprend une des pièces de monnaie qu’elle a fait mettre dans la main, elle jure que ses bons souhaits se tourneront en des maux effroyables. C’est naïf, mais le geste et l’accent sont excellents.

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Dans la petite ville provençale où j’ai grandi, les Bohémiens sont tolérés ; mais ils ne soulèvent pas une telle émeute de curiosité. On les accuse de manger les chiens et les chats perdus, ce qui les fait regarder de travers par les bourgeois. Les gens comme il faut tournent la tête, quand ils ont à passer dans leur voisinage.

Ils arrivent avec leur maison roulante, s’installent dans le coin de quelque terrain abandonné des faubourgs. Certains coins, d’un bout de l’année à l’autre, sont habités par des tribus d’enfants déguenillés, d’hommes et de femmes vautrés au soleil. J’y ai vu des créatures belles à ravir. Nous autres galopins, qui n’avions pas les dégoûts des gens comme il faut, nous allions regarder au fond des voitures où ces gens dorment l’hiver. Et je me souviens qu’un jour, ayant sur le