Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/20

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Et ne m’attends pas de longtemps au rendez-vous que je t’ai donné, en Provence, après la tâche achevée. Il y a trop à faire. Je veux le roman, je veux le drame, je veux la vérité partout. Ne m’apporte plus ton cher souvenir que la nuit ; viens sur le rayon de lune qui glisse entre mes rideaux, à l’heure où je pourrai pleurer avec toi sans être vu. J’ai besoin de toute ma virilité. Plus tard, oh ! plus tard, ce sera moi qui irai te retrouver dans les campagnes tièdes encore de nos tendresses. Nous serons bien vieux ; mais nous nous aimerons toujours. Tu me mèneras en pèlerinage sur la berge, au bord de l’eau, réveillée à peine ; dans les trous de feuilles, avec la campagne ardente dormant autour de nous ; au milieu des prés, lentement noyés sous le flot bleuâtre du crépuscule ; le long de la route interminable, insoucieux des étoiles, au seul bonheur de nous perdre dans l’ombre. Et les arbres, les brins d’herbe, jusqu’aux cailloux, nous reconnaîtront de loin, à nos baisers, et nous souhaiteront la bien-venue.

Écoute, pour que nous ne nous cherchions pas je veux te dire derrière quelle haie j’irai te prendre. Tu sais l’endroit où la rivière fait un coude, après le pont, plus bas que le lavoir, juste en face du grand rideau de peupliers ? Souviens-toi,