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XII


La guerre, la guerre infâme, la guerre maudite ! Nous ne la connaissions pas, nous autres jeunes hommes qui n’avions pas vingt ans en 1859. Nous étions encore sur les bancs du collège. Son nom terrible, qui fait pâlir les mères, ne nous rappelait que des jours de congé.

Et nous n’apercevions, dans nos souvenirs, que des soirées tièdes où le peuple riait sur les trottoirs ; le matin, la nouvelle d’une victoire avait passé sur Paris comme un souffle de fête ; et, dès le crépuscule, les boutiquiers illuminaient, les gamins tiraient des pétards d’un sou dans les rues. Sur la porte des cafés, il y avait des messieurs qui buvaient de la bière en faisant de la politique. Tandis que, là-bas, dans quelque coin perdu de l’Italie ou de la Russie, les morts, étendus sur le dos, regardaient naître les étoiles avec leurs grands yeux ouverts, vides de regards.