Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/217

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Que d’heures passées à commérer ! Je tenais mon ancien soldat, et j’étais bien décidé à ne pas le lâcher avant de lui avoir arraché certaines vérités. Je ne me payais point des grands mots : gloire, victoire, lauriers, guerriers, qui prenaient dans sa bouche un ronflement superbe. Je laissais passer le flot de son enthousiasme. Je l’attaquais par les petits détails. Je consentais à écouter le même récit vingt fois, pour saisir l’esprit vrai. Sans qu’il s’en doutât, Chauvin finit par me faire de belles confidences.

Au fond, il était d’une naïveté d’enfant. Il ne se vantait pas pour lui-même ; il parlait simplement une langue courante de fanfaronnade militaire, c’était un « blagueur » inconscient, un brave garçon dont les casernes avaient fait une insupportable ganache.

Il avait des récits, des mots tout prêts, on sentait cela. Les phrases faites à l’avance ornaient ses anecdotes de « troupiers invincibles » et de « braves officiers sauvés dans le carnage par l’héroïsme de leurs soldats. » Pendant deux ans, j’ai subi, quatre heures par jour, la campagne d’Italie. Mais je ne m’en plains pas. Chauvin a complété mon instruction.

Grâce à lui, grâce aux aveux qu’il m’a faits,