Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/276

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Ces quinze premières années furent simples et heureuses. Elles s’écoulèrent dans une joie sereine, et elles n’ont laissé en moi que le souvenir vague d’un bonheur calme et continu. Mon oncle Lazare avait réalisé son rêve en se retirant chez nous ; son grand âge ne lui permettait même plus de lire chaque matin son bréviaire ; il regrettait parfois sa chère église, il se consolait en allant rendre visite au jeune vicaire qui l’avait remplacé. Dès le lever du soleil, il descendait de la petite chambre qu’il occupait, et souvent il m’accompagnait aux champs, se plaisant au grand air, retrouvant une jeunesse au milieu des senteurs fortes de la campagne.

Une seule tristesse nous faisait soupirer parfois. Dans la fécondité qui nous entourait, Babet restait stérile. Bien que nous fussions trois à nous aimer, certains jours, nous nous trouvions trop seuls : nous aurions voulu avoir dans nos jambes une tête blonde qui nous eût tourmentés et caressés.

L’oncle Lazare avait une peur terrible de mourir avant d’être grand-oncle. Il était redevenu enfant, il se désolait de ce que Babet ne lui donnait pas un camarade qui aurait joué avec lui. Le jour où ma femme nous confia en hésitant que nous