Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/293

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genoux, il regardait fixement le ciel d’un air d’extase recueillie.

Je fus pris d’inquiétude.

— Souffrez-vous, oncle Lazare ? lui demandai-je. Qu’avez-vous ?… Répondez, par grâce.

Il leva doucement une de ses mains, comme pour me prier de parler plus bas ; puis il la laissa retomber, et, d’une voix faible :

— Je suis brisé, dit-il. À mon âge, le bonheur est mortel… Ne faites pas de bruit… Il me semble que ma chair est devenue toute légère : je ne sens plus mes jambes ni mes bras.

Babet, effrayée, se souleva, regardant l’oncle Lazare. Je me mis à genoux devant lui, le contemplant avec anxiété. Lui, souriait.

— Ne vous épouvantez pas, reprit-il. Je n’éprouve aucune souffrance ; une douceur descend en moi, je crois que je vais m’endormir d’un sommeil juste et bon… Cela vient de me prendre tout d’un coup, et je remercie Dieu. Ah ! mon pauvre Jean, j’ai trop couru dans le sentier du coteau, l’enfant m’a donné trop de joie.

Et comme nous comprenions, comme nous éclations en sanglots, l’oncle Lazare continua, sans cesser de regarder le ciel :

— Ne gâtez pas ma joie, je vous en supplie… Si