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la vie, j’allais avoir un secret à garder, une bataille à livrer. Et, certes, l’effroi inavoué que je ressentais à l’idée de me compromettre de la sorte, comptait pour une bonne moitié dans les joies cuisantes de mon nouveau rôle de complice.

Aussi, pendant que le grand Michu parlait, étais-je en admiration devant lui. Il m’initia d’un ton un peu rude, comme un conscrit dans l’énergie duquel on a une médiocre confiance. Cependant, le frémissement d’aise, l’air d’extase enthousiaste que je devais avoir en l’écoutant, finirent par lui donner une meilleure opinion de moi.

Comme la cloche sonnait le second coup, en allant tous deux prendre nos rangs pour rentrer à l’étude :

— C’est entendu, n’est-ce pas ? me dit-il à voix basse. Tu es des nôtres… Tu n’auras pas peur, au moins ; tu ne trahiras pas ?

— Oh ! non, tu verras… C’est juré.

Il me regarda de ses yeux gris, bien en face, avec une vraie dignité d’homme mûr, et me dit encore :

— Autrement, tu sais, je ne te battrai pas, mais je dirai partout que tu es un traître, et personne ne te parlera plus.

Je me souviens encore du singulier effet que