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— Mangés à la broche ! m’écriai-je. Mais la rue n’est donc pas à nous ? On ne mange pas, et l’on est mangé !


V


Cependant, on avait vidé les ordures devant les portes. Je fouillai les tas avec désespoir. Je rencontrai deux ou trois os maigres qui avaient traîné dans les cendres. C’est alors que je compris combien le mou frais est succulent. Mon ami le matou grattait les ordures en artiste. Il me fit courir jusqu’au matin, visitant chaque pavé, ne se pressant point. Pendant près de dix heures je reçus la pluie, je grelottai de tous mes membres. Maudite rue, maudite liberté, et comme je regrettai ma prison !

Au jour, le matou, voyant que je chancelais :

— Vous en avez assez ? me demanda-t-il d’un air étrange.

— Oh ! oui, répondis-je.

— Vous voulez rentrer chez vous ?

— Certes, mais comment retrouver la maison ?

— Venez. Ce matin, en vous voyant sortir, j’ai compris qu’un chat gras comme vous n’était pas