Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Raquin était couchée, en proie à un violent délire. Thérèse se traîna jusqu’à son lit, et Suzanne eut à peine le temps de la déshabiller. Rassuré, voyant que tout s’arrangeait à souhait, Laurent se retira. Il gagna lentement son taudis de la rue Saint-Victor.

Il était plus de minuit. Un air frais courait dans les rues désertes et silencieuses. Le jeune homme n’entendait que le bruit régulier de ses pas sonnant sur les dalles des trottoirs. La fraîcheur le pénétrait de bien-être ; le silence, l’ombre lui donnaient des sensations rapides de volupté. Il flânait.

Enfin, il était débarrassé de son crime. Il avait tué Camille. C’était là une affaire faite dont on ne parlerait plus. Il allait vivre tranquille, en attendant de pouvoir prendre possession de Thérèse. La pensée du meurtre l’avait parfois étouffé ; maintenant que le meurtre était accompli, il se sentait la poitrine libre, il respirait à l’aise, il était guéri des souffrances que l’hésitation et la crainte mettaient en lui.

Au fond, il était un peu hébété, la fatigue alourdissait ses membres et ses pensées. Il rentra et s’endormit profondément. Pendant son sommeil, de légères crispations nerveuses couraient sur son visage.