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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/136

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XVI


Quinze mois se passèrent. Les âpretés des premières heures s’adoucirent ; chaque jour amena une tranquillité, un affaissement de plus ; la vie reprit son cours avec une langueur lasse, elle eut cette stupeur monotone qui suit les grandes crises. Et, dans les commencements, Laurent et Thérèse se laissèrent aller à l’existence nouvelle qui les transformait ; il se fit en eux un travail sourd qu’il faudrait analyser avec une délicatesse extrême, si l’on voulait en marquer toutes les phases.

Laurent revint bientôt chaque soir à la boutique, comme par le passé. Mais il n’y mangeait plus, il ne s’y établissait plus pendant des soirées entières. Il arrivait à neuf heures et demie, et s’en allait après avoir fermé le magasin. On eût dit qu’il accomplissait un devoir en venant se mettre au service des deux femmes. S’il négligeait un jour sa corvée, il s’excusait le lendemain avec des humilités de valet. Le jeudi, il