Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/145

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tout dire à la justice, par vengeance et jalousie. Ces idées battaient dans sa tête. La fièvre le reprit.

Sur ces entrefaites, le modèle le quitta brusquement. Un dimanche, cette fille ne rentra pas ; elle avait sans doute trouvé un gîte plus chaud et plus confortable. Laurent fut médiocrement affligé ; seulement, il s’était habitué à avoir, la nuit, une femme couchée à son côté, et il éprouva un vide subit dans son existence. Huit jours après ses nerfs se révoltèrent. Il revint s’établir, pendant des soirées entières, dans la boutique du passage, regardant de nouveau Thérèse avec des yeux où luisaient des lueurs rapides. La jeune femme, qui sortait toute frissonnante des longues lectures qu’elle faisait, s’alanguissait et s’abandonnait sous ses regards.

Ils en étaient ainsi revenus tous deux à l’angoisse et au désir, après une longue année d’attente écœurée et indifférente. Un soir Laurent, en fermant la boutique, retint un instant Thérèse dans le passage.

— Veux-tu que je vienne ce soir dans ta chambre ? lui demanda-t-il d’une voix ardente.

La jeune femme fit un geste d’effroi.

— Non, non, attendons… dit-elle ; soyons prudents.

— J’attends depuis assez longtemps, je crois, reprit Laurent ; je suis las, je te veux.

Thérèse le regarda follement ; des chaleurs lui brûlaient les mains et le visage. Elle sembla hésiter ; puis, d’un ton brusque :

— Marions-nous, je serai à toi.