Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/147

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On ferma la boutique, on le mit à la porte. Il rentra pour demander des allumettes. Le bureau de l’hôtel se trouvait au premier étage. Laurent avait une longue allée à suivre et quelques marches à monter, avant de pouvoir prendre sa bougie. Cette allée, ce bout d’escalier, d’un noir terrible, l’épouvantaient. D’ordinaire, il traversait gaillardement ces ténèbres. Ce soir-là, il n’osait sonner, il se disait qu’il y avait peut-être, dans un certain renfoncement formé par l’entrée de la cave, des assassins qui lui sauteraient brusquement à la gorge quand il passerait. Enfin, il sonna, il alluma une allumette et se décida à s’engager dans l’allée. L’allumette s’éteignit. Il resta immobile, haletant, n’osant s’enfuir, frottant les allumettes sur le mur humide avec une anxiété qui faisait trembler sa main. Il lui semblait entendre des voix, des bruits de pas devant lui. Les allumettes se brisaient entre ses doigts. Il réussit à en allumer une. Le soufre se mit à bouillir, à enflammer le bois avec une lenteur qui redoubla les angoisses de Laurent ; dans la clarté pâle et bleuâtre du soufre, dans les lueurs vacillantes qui couraient, il crut distinguer des formes monstrueuses. Puis l’allumette pétilla, la lumière devint blanche et claire. Laurent, soulagé, s’avança avec précaution, en ayant soin de ne pas manquer de lumière. Lorsqu’il lui fallut passer devant la cave, il se serra contre le mur opposé ; il y avait là une masse d’ombre qui l’effrayait. Il gravit ensuite vivement les quelques marches qui le séparaient du bureau de l’hôtel, et se crut sauvé lorsqu’il tint sa