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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/216

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gnances, des révoltes nerveuses invincibles. Puis ils ne voulurent pas être vaincus ; ils se reprirent dans une nouvelle étreinte et furent encore obligés de se lâcher, comme si des pointes rougies étaient entrées dans leurs membres. À plusieurs fois, ils tentèrent ainsi de triompher de leurs dégoûts, de tout oublier en lassant, en brisant leurs nerfs. Et, chaque fois, leurs nerfs s’irritèrent et se tendirent en leur causant des exaspérations telles qu’ils seraient peut-être morts d’énervement s’ils étaient restés dans les bras l’un de l’autre. Ce combat contre leur propre corps les avait exaltés jusqu’à la rage ; ils s’entêtaient, ils voulaient l’emporter. Enfin une crise plus aiguë les brisa ; ils reçurent un choc d’une violence inouïe et crurent qu’ils allaient tomber du haut mal.

Rejetés aux deux bords de la couche, brûlés et meurtris, ils se mirent à sangloter.

Et, dans leurs sanglots, il leur sembla entendre les rires de triomphe du noyé, qui se glissait de nouveau sous le drap avec des ricanements. Ils n’avaient pu le chasser du lit ; ils étaient vaincus. Camille s’étendit doucement entre eux, tandis que Laurent pleurait son impuissance et que Thérèse tremblait qu’il ne prît au cadavre la fantaisie de profiter de sa victoire pour la serrer à son tour entre ses bras pourris, en maître légitime. Ils avaient tenté un moyen suprême ; devant leur défaite, ils comprenaient que, désormais, ils n’oseraient plus échanger le moindre baiser. La crise de l’amour fou qu’ils avaient essayé de déterminer pour tuer leurs