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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/256

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— Non, vois-tu, le médecin m’a dit que tout était bien fini pour elle. Si elle parle encore une fois, elle parlera dans le dernier hoquet de l’agonie… Elle n’en a pas pour longtemps, va. Ce serait bête de charger encore notre conscience en l’empêchant d’assister à cette soirée…

Thérèse frissonna.

— Tu ne m’as pas comprise, cria-t-elle. Oh ! tu as raison, il y a assez de sang… Je voulais te dire que nous pourrions enfermer ma tante dans sa chambre et prétendre qu’elle est plus souffrante, qu’elle dort.

— C’est cela, reprit Laurent, et cet imbécile de Michaud entrerait carrément dans la chambre pour voir quand même sa vieille amie… Ce serait une excellente façon pour nous perdre.

Il hésitait, il voulait paraître tranquille, et l’anxiété le faisait balbutier.

— Il vaut mieux laisser aller les événements, continua-t-il. Ces gens-là sont bêtes comme des oies ; ils n’entendront certainement rien aux désespoirs muets de la vieille. Jamais ils ne se douteront de la chose, car ils sont trop loin de la vérité. Une fois l’épreuve faite, nous serons tranquilles sur les suites de notre imprudence… Tu verras, tout ira bien.

Le soir, quand les invités arrivèrent, madame Raquin occupait sa place ordinaire, entre le poêle et la table. Laurent et Thérèse jouaient la belle humeur, cachant leurs frissons, attendant avec angoisse l’incident qui ne pouvait manquer de se produire. Ils avaient