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Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/301

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Laurent comprit. Sans attendre davantage, il s’en alla tranquillement, rassuré, heureux.

— Bah ! se disait-il en descendant vers les quais, cela vaut mieux. Comme ça, elle a une occupation, elle ne songe pas à mal… Elle est diablement plus fine que moi.

Ce qui l’étonnait, c’était de ne pas avoir eu le premier l’idée de se jeter dans le vice. Il pouvait y trouver un remède contre la terreur. Il n’y avait pas pensé, parce que sa chair était morte, et qu’il ne se sentait plus le moindre appétit de débauche. L’infidélité de sa femme le laissait parfaitement froid ; il n’éprouvait aucune révolte de sang et de nerfs à la pensée qu’elle se trouvait entre les bras d’un autre homme. Au contraire, cela lui paraissait plaisant ; il lui semblait qu’il avait suivi la femme d’un camarade, et il riait du bon tour que cette femme jouait à son mari. Thérèse lui était devenue étrangère à ce point, qu’il ne l’entendait plus vivre dans sa poitrine ; il l’aurait vendue et livrée cent fois pour acheter une heure de calme.

Il se mit à flâner, jouissant de la réaction brusque et heureuse qui venait de le faire passer de l’épouvante à la paix. Il remerciait presque sa femme d’être allée chez un amant lorsqu’il croyait qu’elle se rendait chez un commissaire de police. Cette aventure avait un dénoûment tout imprévu qui le surprenait d’une façon agréable. Ce qu’il vit de plus clair dans tout cela, c’est qu’il avait eu tort de trembler, et qu’il devait à son tour