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V


Un jeudi, en revenant de son bureau, Camille amena avec lui un grand gaillard, carré des épaules, qu’il poussa dans la boutique d’un geste familier.

— Mère, demanda-t-il à madame Raquin en le lui montrant, reconnais-tu ce monsieur-là ?

La vieille mercière regarda le grand gaillard, chercha dans ses souvenirs et ne trouva rien. Thérèse suivait cette scène d’un air placide.

— Comment ! reprit Camille, tu ne reconnais pas Laurent, le petit Laurent, le fils du père Laurent qui a de si beaux champs de blé du côté de Jeufosse ?… Tu ne te rappelles pas ?… J’allais à l’école avec lui ; il venait me chercher le matin, en sortant de chez son oncle qui était notre voisin, et tu lui donnais des tartines de confiture.

Madame Raquin se souvint brusquement du petit Laurent, qu’elle trouva singulièrement grandi. Il y avait bien vingt ans qu’elle ne l’avait vu. Elle voulut