Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/65

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amante dont les baisers lui donnaient la fièvre. Il décida d’abord nettement qu’il resterait chez lui. Puis il eut des lâchetés. Il voulait oublier, ne plus voir Thérèse dans sa nudité, dans ses caresses douces et brutales, et toujours elle était là, implacable, tendant les bras. La souffrance physique que lui causait ce spectacle devint intolérable.

Il céda, il prit un nouveau rendez-vous, il revint au passage du Pont-Neuf.

À partir de ce jour Thérèse entra dans sa vie. Il ne l’acceptait pas encore, mais il la subissait. Il avait des heures d’effrois, des moments de prudence, et, en somme, cette liaison le secouait désagréablement ; mais ses peurs, ses malaises tombaient devant ses désirs. Les rendez-vous se suivirent, se multiplièrent.

Thérèse n’avait pas de ces doutes. Elle se livrait sans ménagement, allant droit où la poussait sa passion. Cette femme, que les circonstances avait pliée et qui se redressait enfin, mettait à nu son être entier, expliquant sa vie.

Parfois elle passait ses bras au cou de Laurent, elle se traînait sur sa poitrine, et, d’une voix encore haletante :

— Oh ! si tu savais, disait-elle, combien j’ai souffert ! J’ai été élevée dans l’humidité tiède de la chambre d’un malade. Je couchais avec Camille ; la nuit, je m’éloignais de lui, écœurée par l’odeur fade qui sortait de son corps. Il était méchant et entêté ; il ne voulait pas prendre les médicaments que je refusais de par-