Page:Zola - Thérèse Raquin, Lacroix, 1868.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de nuée ardente, dans laquelle tu t’enveloppais, qui m’attirait et me retenait auprès de toi, malgré mes sourdes révoltes… Tu te souviens quand tu peignais ici : une force fatale me ramenait à ton côté, je respirais ton air avec des délices cruelles. Je comprenais que je paraissais quêter des baisers, j’avais honte de mon esclavage, je sentais que j’allais tomber si tu me touchais. Mais je cédais à mes lâchetés, je grelottais de froid en attendant que tu voulusses bien me prendre dans tes bras…

Alors Thérèse se taisait, frémissante, comme orgueilleuse et vengée. Elle tenait Laurent ivre sur sa poitrine, et, dans la chambre nue et glaciale, se passaient des scènes de passion ardentes, d’une brutalité sinistre. Chaque nouveau rendez-vous amenait des crises plus fougueuses.

La jeune femme semblait se plaire à l’audace et à l’impudence. Elle n’avait pas une hésitation, pas une peur. Elle se jetait dans l’adultère avec une sorte de franchise énergique, bravant le péril, mettant une sorte de vanité à le braver. Quand son amant devait venir, pour toute précaution, elle prévenait sa tante qu’elle montait se reposer ; et, quand il était là, elle marchait, parlait, agissait carrément, sans songer jamais à éviter le bruit. Parfois, dans les commencements, Laurent s’effrayait.

— Bon Dieu ! disait-il tout bas à Thérèse, ne fais donc pas tant de tapage. Madame Raquin va monter.

— Bah ! répondait-elle en riant, tu trembles tou-