Page:Zola - Travail.djvu/134

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« Son bateau, il n’y a pas besoin de bâton pour l’avoir… Moi j’irai bien le chercher dans l’eau. »

Enthousiasmée, Nise, qui était, elle aussi, pour les jeux extraordinaires, appuya sa proposition.

« C’est ça, faut nous mettre dans l’eau, faut tous retirer nos souliers. »

Et voilà qu’en se penchant elle faillit glisser dans la mare. Toute sa vantardise de fillette l’abandonna, elle poussa un cri terrible, lorsqu’elle sentit l’eau mouiller ses bottines. Lui, bravement, s’était précipité, l’avait saisie de ses petits bras déjà forts ; et il la portait comme une conquête et un trophée, il la déposa sur l’herbe, où elle se remit à rire, jouant avec lui, tous deux s’empoignant, se roulant, ainsi que deux chevreaux en gaieté. Mais le cri aigu que lui avait arraché la peur venait de tirer les bonnes de leur oubli bavard, sous le saule. Elles s’étaient levées elles avalent aperçu avec stupeur la bande envahissante, ces galopins tombés elles ne savaient d’où, qui se permettaient de débaucher les enfants de bourgeois confiés à leur garde. Et elles accoururent d’un air courroucé, si terrible que Lucien se hâta de reprendre son bateau, détalant à toutes jambes, dans la crainte qu’on ne le lui confisquât, suivi d’Antoinette et de Nanet lui-même, que la panique emportait. Ils galopèrent jusqu’à la haie, se jetèrent à plat ventre, se coulèrent, disparurent, pendant que les deux bonnes remmenaient à la Guerdache les trois enfants, en convenant avec eux de ne rien dire, pour que personne ne fût grondé.

Luc riait tout seul, dans l’amusement que lui avait causé cette scène, surprise ainsi sous le paternel soleil, au milieu de la bonne nature amie. Ah ! les braves petits êtres, comme ils étaient vite d’accord, comme ils résolvaient aisément toutes les difficultés, ignorants encore des luttes fratricides, et quel rêve de triomphal avenir ils apportaient ! En cinq minutes, il fut de retour à la Guerdache, où