Page:Zola - Travail.djvu/165

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raser tout ça et de remplacer un tel monstre, encombrant et douloureux, par ma batterie de fours électriques, si propres, si simples, si doux à conduire ?… Depuis le jour où les premiers hommes creusèrent un trou dans la terre, pour y fondre le minerai en le mêlant à des branches d’arbre qu’ils allumaient, la fonte des métaux n’a guère changé. C’est toujours la même méthode enfantine et primitive, nos hauts fourneaux ne sont que les trous préhistoriques, dressés en des colonnes creuses, agrandis selon les besoins, dans lesquels on continue de jeter pêle-mêle le métal à fondre et le combustible, qu’on brûle ensemble. On dirait le grand corps de quelque animal infernal, à qui sans cesse on verse cette nourriture de houille et d’oxyde de fer, qui la digère dans un ouragan de feu, puis qui rend par le bas le métal en fusion, tandis que les gaz, les poussières, les scories de toutes sortes s’en vont d’autre part… Et remarquez que l’opération entière est là, dans cette descente lente des matières digérées, dans cette digestion totale, car toutes les améliorations réalisées n’ont eu pour dessein jusqu’ici que de la faciliter. Ainsi, autrefois, on ne souillait pas d’air, la fusion était plus lente et plus défectueuse. Ensuite, on a soufflé de l’air froid ; ensuite, on s’est aperçu que les résultats étaient meilleurs, lorsque l’air était chaud. L’idée est venue enfin d’emprunter au haut fourneau lui-même, pour chauffer l’air qu’on lui insufflait, les gaz qui jusqu’alors avaient brûlé au gueulard, en un panache de flammes. Et c’est de la sorte que le haut fourneau primitif s’est compliqué de tant d’organes extérieurs, la machine soufflante, les réservoirs où les gaz s’épurent, les cylindres où ils viennent chauffer l’air au passage, sans parler de toutes ces canalisations aériennes qui l’entourent comme dans les mailles d’un filet… Mais on a eu beau le perfectionner, il est resté enfantin malgré ses dimensions géantes, on n’a fait que le rendre d’un